Flash de Noël
Galeries Lafayette, Printemps, BHV, Bon Marché…. Les lumières fusent, guirlandes, lanternes et lampions d’une fête dont on peine à se rappeler l’origine pour peu qu’on s’en donne la peine.
Noël.
Cadeaux, gros repas et stases en famille pour les nantis, solitude et froid pour les autres, dehors, dans la rue. Tous sous la lumière ! Débauche d’énergie maximale- 1300 mégawatts pour la saison parisienne, soit une facture de 2 millions d’euros. Nos ancêtres païens avaient institué ces rituels de lumière propres à célébrer le solstice d’hiver, ce moment magique où du fond des ténèbres de la nuit la plus longue surgit une lueur, l’espoir du renouveau. La tradition judéo-chrétienne a suivi, attribuant au Dieu de la Genèse le pouvoir de séparer les ténèbres de la lumière, mettant ainsi fin au chaos primitif- succès discutable à la vue des artères enguirlandées, tonitruantes d’embouteillages et de klaxons en ces samedis précédant « les fêtes ».
Et pourtant, c’est dans cette ambiance survoltée à tous les sens du terme que je l’ai eue, mon illumination de Noël ! Un flash de compréhension soudain, Boulevard Haussmann et à vélo, entre un 4X4 Mercedes qui amorçait un virage farouche à la Michael Schumacher, coupant la route de la berline banlieusarde qui cahotait à hauteur de ses roues, noyée de paquets cadeaux et d’enfants toutes fenêtres ouvertes devant les vitrines des grands magasins, par ailleurs recouvertes de chalands agglutinés façon mouches. Chaos par KO. Violence sourde, mon âme s’est envolée.
Coincée entre ces David et Goliath motorisés, je suis partie rejoindre les débuts d’un nourrisson à Bethleem, le fameux Jésus à l’origine de cette frénésie collective. Jésus nomade, grand arpenteur d’une Galilée incertaine, Jésus rassembleur, auteur de guérisons physiques et mentales, humble faiseur de miracles qui demandait toujours avant d’officier :
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? », modestie transmutée dans l’arrogance du « Que puis-je faire pour vous ? » de l’homme d’affaires derrière son bureau. Jésus, grand amateur de lumière pour lui et pour ceux qui en avaient le plus besoin- les aveugles réels ou symboliques à qui il rendait la vue.
« Je suis la lumière du monde. Celui qui marche à ma suite aura la lumière de la vie ».
Evidence.
Un flash a dénoué le fil laborieux de mes séances de catéchisme d’enfance et de leurs diktats indigestes. Fini le messie rédempteur, envoyé au trépas par son Père pour un sacrifice censé racheter mes péchés passés, présents et à venir, ainsi que ceux de mes semblables. Adieu le malaise d’un Credo non assumé, le flou d’un Noël sans raison. Le présent est ailleurs, dans tous les sens du terme. Ce prophète massacré à trente-trois ans sans fuite ni reniement, son corps abandonné dans l’ouverture suprême, nous a offert le seul vrai cadeau. Ecartelé, suspendu, crucifié, il a sauté le pas. Pour nous dire de la façon la plus concrète, humaine et vraie possible, que la mort n’est qu’un passage, pas une fin. Que, pari de la foi, l’âme existe, infinie lumière et particule de vie, de toute forme de vie- paradis, réincarnation ou autre, à nous de poser la représentation qui nous convient. Jésus est mort pour que nous n’ayons plus peur de la mort.
Ceux qui avaient déjà compris souriront. D’autres grimaceront. Et certains feront comme moi. Visage ouvert et respiration ample, ils célébreront Noël. En vérité.
Je me régale de vos fines observations des paradoxes modernes, et souris de vos mystiques espérances inspirées par Noel . Je peux aussi faire comme vous « visage ouvert et respiration ample » pour célébrer Noel qui me parle de la mort comme d’une fin mais une fin qui est la faim de vivre et d’être heureux,