En repos dans une chambre?
« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ».
Qui parle? Le patron du Sofitel de New York? Non, Pascal, reporter philosophique du 17ème siècle et, miracle du génie, déjà en avance d’un scoop.
Le locataire de la chambre de la chaîne hôtelière ci-dessus mentionnée ne dira pas le contraire, lui qui a englouti plus de quarante ans de carrière en quelques minutes de solitude chroniquement insupportable.
Si cette affaire a mondialement frappé, choqué, hanté, agacé, irrité, émoustillé- voire et au choix, c’est qu’elle exhibe le fantasme de la chute, le vertige du pétage de plombs, le soubresaut existentiel ou autre point de non-retour. Ce fameux beyond dont m’avait parlé, l’œil éteint, un ancien parachutiste qui avait connu l’adrénaline des combats et des défoulements associés, mort et sexe au goût âcre.
« Après tu ne reviens pas. Tu es au-delà, beyond. Tu fais semblant. Tu t’ennuies’.
Fondu au noir. Quand on s’ennuie, on est dans la nuit. Fini la lumière et ses éclats rédempteurs, l’ardeur d’un sourire, le pétillement du regard. On a oublié qu’elle existe. On n’est même plus capable de soupirer après les ombres du Vrai dans les cavernes platoniciennes où s’enferment nos quotidiens, de rêver aux formes pures au-delà des versions édulcorées qu’on nous propose: séduction commerciale, succès à paillette, consommation frénétique en place d’amour, d’accomplissement, de joie.
Dans la pénombre des cavernes, si on sait qu’on n’est pas beyond et qu’il reste de l’espoir, on sent aussi qu’on n’y est pas encore, qu’on n’est pas loin. Qu’il faudrait porter un peu plus d’attention au présent, un chouia de concentration, ralentir le rythme pour mieux éprouver sa vie, arrêter son regard sur ce qui nous entoure, choisir de VOIR. Ces ajustements restent à notre portée, même s’ils ont parfois besoin du renfort d’un choc ou d’un booster: maladie de soi ou d’un proche, décès dans l’entourage, perte subite. Branlebas de combat, sortie des limbes.
On vit.
Mais quand on est beyond ou qu’on se sent comme tel à force d’avoir défoncé les limites du respect de soi et des autres, la nuit tombe sans aube à l’horizon. L’ennui plombe. Ni l’argent ni le pouvoir, l’alchimie des pauvres d’esprit, ne suffisent à en faire de l’ or. L’excitation largement stimulée par les ersatz du divertissement devient le succédané du bonheur, dans une logique exponentielle qui tisse la dramaturgie de toute tragédie.
Evidemment, il ne s’agit pas de se cloîtrer en réaction, les extravertis le vivraient très mal! mais de prendre des pauses de solitude pour revenir à soi… et, paradoxe, se relier au monde. Nous ne sommes pas seuls sur terre, on le sent, plutôt traversés par des ondes, des vagues de pensées, des tendances, des courants transpersonnels.
L’époque est convulsive, chaotique, bouleversée? L’astrologie nous dit que nos planètes nous mettent sous haute pression? ( lire à ce propos l’analyse passionnante que mon amie Pascale consacre à la position des planètes dans la carte du ciel de naissance de DSK, ce fameux samedi 14 mai vers 12 ou 13h, heure de New York – http:// pascalepibot.wordpress.com/2011/05/16).
Notre actualité personnelle s’étiole, se complexifie ou se dramatise? Autant de données d’une équation personnelle qui requiert patience d’obervation plutôt que compulsion de fuite.
Le divertissement détourne de la part lumineuse de l’être, celle qui nourrit les écrits d’un Christian Bobin et qui nous touche au cœur quand on l’effleure chez soi ou chez l’autre.
Cette part d’accomplissement où l’adulte retrouve sa pureté d’enfance, cette résultante mystérieuse, irréductible et intime qu’après Jung, on appellera le Soi.
Sacré caractère, ce Soi! Aussi subtil et résistant que le tissu homonyme, il n’a que faire des oripeaux du succès social dont on l’affuble pour l’apaiser. Il veut de la présence. Il enrage quand on la lui refuse. Il déteste l’ennui. Il se nourrit de lumière. Et s’il le faut, il fera tout sauter pour la retrouver.