« FLIGHT OR FLIGHT »
Ce « fight or flight » qui serait la version exacte de ce titre, désigne le réflexe naturel qui nous viendrait en situation de survie, réflexe qui ferait lui-même appel aux ressources de base de notre cerveau reptilien : combattre ou fuir. Très développé dans les temps anciens dénués de lois, règles et protections sociales en tous genres, le kit de survie s’est à ce point dilué dans nos sociétés qu’on ne l’utilise plus guère dans sa version originale, comme j’en ai fait l’expérience récemment.
Combat ou fuite ? Fuite ou fuite plutôt.
Ce post est né d’une scène de vie banale qui pour autant ne laisse pas de contrarier, comme une salissure qui ne trouvera pas sur le marché du nettoyage sa promesse plus blanc que blanc. Et la métaphore de la tâche est en l’occurrence justifiée eu égard aux circonstances précises de l’affaire.
Des faits donc : pendant ces vacances de Pâques passées à la montagne, je me trouve assiette en main devant un buffet de desserts que j’envisage avec l’optimisme primesautier qui caractérise l’alimentation en période de ski intensif. En sweat-shirt et jean ( ces détails comptent), j’effectue une pause stratégique devant l’étal des glaces avant d’opter pour quelques douceurs légitimes ( l’état de conscience est clef dans ces moments là). Soudain, dans mon dos j’entends des propos, inqualifiables, ou alors à la façon Capitaine Haddock dans Tintin, pictogrammes à l’appui, inspirés par ma face postérieure, ou en l’occurrence toutes les faces postérieures des femelles adeptes de cet endroit du buffet. Car leurs auteurs blottis autour d’une table, discrète certes, mais stratégiquement placée, ricanent bruyamment à chaque passage féminin. De bons potes croisant francs et flatulents quolibets de quinqua qui n’ont pas décelé dans leur demi-siècle d’existence l’option finesse qui en règlerait la qualité. Bref, une tablée de huit hommes se gaussant haut et fort des corps des femmes exposés côté buffet, à côté des gâteaux et de la mousse au chocolat.
Les voix s’élevant à l’inverse de la légèreté des protagonistes, j’entends, meuglés dans mon dos, siège d’un inconscient sourcilleux sur le thème du respect, des propos qui provoquent en moi un mélange instantané de colère, rage, mépris et aussi, surtout, détresse. Le cocktail infernal. Le panaché des femmes dans nos sociétés.
Une bouffée d’adrénaline m’envahit et, mon assiette se trouvant ma foi fort pourvue- tarte aux fruits rouges agrémentés de sa boule de glace sous montagne de chantilly, une bouffée très « fight » me vient. Et si je me retournais pour entarter cash le fâcheux ?
En un éclair, je vois ses bajoues constellées de groseille, la chantilly dans ses narines, la glace à la vanille façon stalactite au bout des moustaches. Action-réaction, le degré zéro de la riposte façon puzzle.
Ma main tremble sous l’assiette. Je ne me retourne pas. Bug du circuit neuronal. Couvrant les tremblements précurseurs d’un déchainement physique, vient me plomber une phrase vissée au fond de mon cortex : « Ca ne se fait pas ».
Se laisser injurier se fait. Riposter, non. J’imagine dans l’instant l’effroi des commensaux goguenards, la panique dans le restaurant, le malaise à la table familiale, les titres à la une du menu de l’hôtel :
« Pétage de plombs au restaurant, une tarte ». Remarque, je préfère cela à la version « Pétage de plombs au restaurant, une psy ».
DONC je respire, quinze ans de yoga pour ça, les snobe du regard et regagne ma place. Insultée mais digne. Bien sûr en me retournant, j’ai cherché fébrilement la remarque qui casse, casse, casse, mais Brice n’était pas avec moi. Rien n’est venu ou tout ce qui serait venu n’aurait fait que conforter ma position basse.
J’ai traité cela par le mépris, et moyennant quoi, j’en ai aussi reçu une dose. Le problème de nos sociétés de déambulants approbatifs, comme le stigmatise drôlement le philosophe Philippe Muray, réhabilité récemment par Fabrice Lucchini, c’est la dictature du politiquement correct. Même devant un buffet de desserts. Et ses conséquences observables dans le secteur du traitement des déchets émotionnels, à savoir le métier de psy. Comme me disait un confrère qui ne s’est jamais vraiment remis de la mort d’Audiard :
« Quand les gens pouvaient encore s’envoyer des bourre-pifs, on avait de vrais clients ».
Il entendait des clients qui réglaient avec des arguments justes les heurts et malheurs de leur destin et venaient nous voir pour le reste. A violence reçue, réponse égale d’un point de vue vibratoire. Du Talion éclairé : œil pour œil, ou la valeur d’un œil pour un œil. Car fuir ou fuir abîme. Et un destin de galets polis nous amène à rouler sur la grève sans conviction. Paradoxalement seuls dans le mouvement collectif. Comme je l’ai été face au buffet, et comme toutes les femmes du restaurant l’ont été à leur tour, avant et après moi.
Ce post n’est bien sûr pas un appel à la violence, mais une réflexion sur la santé consensuelle de nos systèmes de survie. Socialement on évite le conflit à tout prix, quitte à en accepter l’humiliation sous-jacente qui l’amplifie et le retourne contre soi. Le galet continue à rouler, même quand la mer s’est retirée. Poli et toujours seul. Oui le Talion a du bon. A chacun de l’apprécier et de l’agir dans l’instant. Une sorte d’entartage thérapeutique que n’aurait pas, à coup sûr J renié Audiard.
«Sous la fourchette l’éthique»
Sous la fourchette l’éthique Avant de lire l’essai de Jonathan Safran Foer « Faut-il manger les animaux ? »
(« Eating animals », 2010 en France) qui continue à susciter la polémique outre-manche et atlantique, je n’imaginais pas que la façon dont nous remplissons nos assiettes pouvait avoir un tel impact économique, financier, écologique et… humain. Je n’avais jamais envisagé non plus qu’un romancier trentenaire, juif new yorkais, précédé de deux best-sellers, puisse décider de consacrer trois ans de sa vie à enquêter sur de …. la viande, substance morte s’il en est. Or de cette mort il ressuscite une actualité plus que vivante, dramatiquement vivace, qui hante au-delà de la lecture de l’ouvrage.
Si le système de l’élevage industriel mondial est dénoncé pour ses aberrations sur le plan écologique (pollution, détournement des ressources, déforestation), sanitaire (grippes aviaire, porcine..), économique, financier (collusion avec les lobbies pharmaceutiques fournisseurs à haute dose de médicaments destinés à des animaux drogués), cette description ne suffit pas vraiment à interpeller. Nous avons tous une vague connaissance via vidéos internet, récits de végétariens militants, pleurs des enfants devant des films bien intentionnés, des excès de «fleisch für alles » ( non je ne me prends pas pour John Galliano ), le slogan de l’abondance qui implique aujourd’hui la propagation d’un même régime alimentaire sur la planète. Y inclus dans des régions du monde notoirement non sympathisantes : l’Inde où les vaches, traditionnellement sacrées, ont cessé de trouver refuge ou encore la Chine qui se passait bien de boeuf jusqu’ici avec ses poulets, porcs et… chiens à l’occasion, dûment battus pour attendrir la chair. Traitement violent qui constitue aujourd’hui le quotidien de la totalité des espèces d’animaux produites par l’élevage industriel. Au-delà des aberrations patentes de cette diffusion du standard alimentaire carné, ce qui fascine dans ce livre, c’est cette évocation scientifiquement étayée, rationnelle et pour autant créative ( l’auteur dénonce, mais reste poétique- performance) d’une violence banalement acceptée. Et qui nous gagne tous, insidieusement.
Quotidien d’animaux violentés et massacrés à l’aube de leur vie ( toutes proportions gardées et toutes catégories confondues, les animaux que nous consommons hors système bio sont tués à la fin de l’enfance, douze ans tout rond,…tout en ayant mené plusieurs vies d’adulte en terme de reproduction) . A nous de nous interroger sur les liens que cette accélération insensée pourrait avoir avec ce phénomène scientifiquement attesté et de plus en plus éprouvé par tous d’emballement chronologique, de temps qui se raccourcit, de rythmes qui se bousculent…. Influence ? Autre influence, directe et spectaculaire aussi, les exactions qui se produisent fréquemment dans les « fermes » d’élevage industriel ou encore les abattoirs, où des études ont prouvé que le taux de dangerosité sociale des employés s’élevait à proportion de la barbarie des méthodes utilisées. Plusieurs vidéos internet dévoilent la face cachée de ces hangars de destruction massive où, pris dans l’ivresse de la barbarie, certains employés abusent des animaux façon gore- tendance requins frénétiques de sang et de destruction. Contagion, vous dites ?
Enfin, de façon plus soft mais non moins spectaculaire pour moi qui a vécu l’expérience, une consommation massive desdits produits induite par l’expérience récente d’un séminaire professionnel de trois jours à alimentation strictement carnée (viande imposée à tous les repas, entrée ET plat principal, menu type carpaccio de boeuf suivi de son confit de canard), a suscité chez moi une violence intérieure inédite. De quoi envahir Berlin au volant de ma Smart au retour, pour paraphraser Woody Allen. Et sans programmation mentale antérieure puisque je n’avais pas réfléchi que la mémoire cellulaire horrifique d’animaux massacrés survivait à leur trépas et se déposait dans mon assiette avant d’attaquer mon propre système nerveux. Nach Berlin , vraiment (non, toujours pas le syndrome John.G).
Bref, nous savons tout cela et hormis ce -grand-moment de solitude qui a suivi la fin de la lecture du livre à une terrasse parisienne ensoleillée, je n’ai pas cédé à la bouchée délirante de monter sur une table pour haranguer mes frères bouffeurs de steak tartare J’ai juste mal dormi. On appelle ça la conscience, ou l’ouverture de…, ce qui revient au même.
Car si l’on part du principe que le cheminement- chaotique- de la civilisation s’est traduit à travers l’évolution de l’espèce humaine par la répression d’ instincts et autres comportements sans doute plaisants ( inceste, cannibalisme, sacrifice humain…) mais partant, scandaleux, on peut se poser la question de laisser un système dont le caractère inhumain croît de façon exponentielle, se perpétrer autour de nous… voire de l’intégrer, ou de l’ingérer plus exactement. A chacun ces combats, pour le coup j’en suis consciente, et la vocation eye opening de ce blog ne signifie pas le Zorro happening. Mais comme nous allons vers le printemps, saison des nettoyages et du changement, lançons le débat.
Bon appétit !
« Rodrigue as-tu du cœur ? »
Quel adolescent n’a pas soupiré sur l’interrogation cornélienne, singulièrement posée à un âge où les questionnements anatomiques auraient tendance à cibler plus bas dans l’individu, un endroit plus sexy et tout aussi palpitant.
Eh bien, récemment, au Stade de France pendant le match de rugby France-Pays de Galles, j’ai compris la pertinence de l’interrogation. Tintamarrant de déclarations martiales et autres projections médiatiques, les derniers jours avaient entraîné une hystérie du courage collectif. Printemps des soulèvements tunisien, égyptien, libyen et autres voisins. Chute de dictateurs ignobles, dont ce qui leur tient lieu de cœur se situerait très bas dans l’anatomie, du côté des instincts primaires de la grande famille du reptilien, catastrophe japonaise tendance strike- un séisme+ un tsunami+ un accident nucléaire, entrée en guerre ambiance capitaine fracasse et nous voilà au bout de ce week-end de tous les dangers, dans le Stade de France, confrontés à ce qui était mon premier match de rugby live.
Du haut des tribunes, loin des gladiateurs, on entend moins le choc des coups dans les rotules, les cris d’articulations qui craquent, le grondement des athlètes en action. Les sorties de terrain multiples d’un turn over apparemment motivé, donnent tout son sens à la notion de courage, même pour une profane qui ne sait pas voir, par définition. Boitillant, courbés, ahanant, trébuchant, les rugbymen sortants laissent la place à d’autres valeureux, prêts à l’affrontement. C’est leur métier, me direz-vous et, phénomène remarquable, cela n’a pas toujours été le cas pour les « amateurs » qui les ont précédés. Courage gratuit pour combat toujours violent.
Abdel Benazzi, ancien capitaine de l’équipe de France de rugby, rencontré un jour, me l’avait confirmé : « J’ai peur à chaque fois en entrant sur le terrain, je ne sais jamais comment je vais en ressortir »
Face à ce courage, on s’interroge. Qu’est-ce qui pousse des sportifs à choisir ce type de combat, à la rencontre de déferlantes de centaines de kilos de barbaque brute, par définition non ergonomique? Qu’est-ce qui amène les centaines de liquidateurs japonais à accepter la probable irradiation qui accompagne leurs efforts sisyphiens pour apaiser le brasier nucléaire ? Ou encore, on peut s’interroger sur les comportements d’expatriés au Japon, certains s’enfuyant avec famille et bagages de ce pays qui n’est pas le leur et où ils risquent de condamner leur santé d’un jour à l’autre. D’autres choisissant de rester, famille exilée à HongKong ou rapatriée en France, par respect pour ce Japon où l’on n’agit pas toujours en fonction de ses émotions individuelles- panique, prudence ou peur.
Ambiance « La Peste ». Pour ceux qui ont fini de soupirer sur Corneille en s’endormant sur le roman de Camus, toujours en classe de quatrième, l’action se déroule à Oran pendant une épidémie et met en évidence différents types de comportements face à une catastrophe collective. Ecrit il y a trois quart de siècle. Rien n’a bougé, le courage, l’héroïsme, la constance … et aussi, la peur, la lâcheté, le déni. Nous quoi ! J’ai pensé au Dr Rieux, le Juste, en regardant les images de ces Japonais que je me refuse à appeler des victimes, tant leur dignité récuse la position basse que sous-entend le terme.
Rester ou partir. S’asseoir ou se battre. Dans ce stade, l’autre jour, qui beuglait « aux armes citoyens, formez les bataillons » et promettait d’ « arroser ses sillons d’un sang impur », je me suis demandée si le martial chanté pouvait égaler le courage sur le terrain.
Les soldats qui préparent leur paquetage pour la Libye, les sauveteurs qui bataillent au Japon, les printaniers arabes qui, en Tunisie, en Egypte ou ailleurs, essuient les conséquences des soulèvements passés et à venir, célèbrent le courage dans chacun de leurs gestes. Mais nous, privilégiés d’aujourd’hui, en avons-nous encore besoin et si oui, où le plaçons-nous dans nos vies quotidiennes ? Est-ce de répondre présent à l’appel du réveil matin, de renoncer au second verre de verre de smoothie Innocent encore non descendu par les enfants, de chausser ses baskets pour le jogging rédempteur du dimanche matin ?
A chaque situation son courage. Chacun place le curseur où il le souhaite, sachant que les aléas de la vie ne manqueront pas de nous solliciter sur la question quand, par définition, nous ne nous y attendrons pas. On sait aussi que sans épreuve, il n’est pas de preuve. Ou alors dans une posture de vie singulière qu’il nous appartient de définir, de façon intime et sans doute secrète.
Car le courage n’a rien d’hystérique et ne se revendique pas plus qu’il ne se feint.
Pour moi la question est ouverte et titille, autant comme spectatrice d’un match de rugby qu’habitante du monde en 2011. Si courage et cœur sont tout un, comme l’a découvert le Rodrigue du début ( pour ceux qui ont suivi), alors il en va du courage comme d’un muscle. Vibrant et tonique si on le mobilise. Atrophié si on ne l’entraîne pas. Rodrigue, lui, a répondu.
« La carrière du fantôme »
Je viens de refermer le dernier ouvrage d’Alexandre Jardin « Des gens très bien ». Au-delà de la polémique mediatico-commerciale et de l’hystérie toujours sous-jacente, en particulier dans les dernières pages, le livre m’a frappée par son interrogation plus fondamentale sur les ressorts qui fondent nos vies, professionnellles en particulier. L’enjeu ici n’est pas, historique ou simplement logique, de valider la responsabilité de Jean Jardin, son grand-père, dans la rafle du Vel d »Hiv le 16 juillet 1942. L’enjeu, c’est qu’indépendamment des arguments avancés par les détracteurs du roman ou le reste de sa famille évidemment en émoi, l’auteur du livre le ressente ainsi. Et qu’il réagisse avec ce livre…ou plutôt qu’il ait passé presque quarante ans de sa vie à réagir.
Etape 1: déni et embellissement de la réalité. On enjolive, on fabule, on raconte une vie légère de « drôle » amoureux, Fanfan ou le Zèbre qui fait fantasmer les jeunes femmes, merveilleusement servies par cet amoureux courtois-ET FIDELE- qui n’a de cesse que de servir leur jouissance, sens, âme et coeur mêlés. Du gros package.
Etape 2: comme dégrisé par tant d’années de fariboles fantasmatiques, écrasé par le poids du transgénéalogique qui frappe régulièrement à la troisième génération ( le syndrome des petits-enfants), le clown pose le masque et peu à peu dévoile. Purge. Et le mot vaut, soixante ans plus tard. La réalité hideuse ou tristement médiocre qui ronge le carton-pâte des fêtes galantes et des légendes paternelles, l’enclume des fidèles amitiés politiques qui traversent les époques… et favorisent les carrières. Certes, nul doute que ces relations et réseaux estampillés Vichy n’aient aidé à la carrière de l’Alexandre contrit. Mais tout se passe comme si leur simple présence, ou leur simple passé en l’occurrence, car Alexandre Jardin écrivain à succès n’a plus besoin d’eux , était devenu insupportable à l’auteur. Ou plutô à celui qui se revendique enfin auteur après x best-sellers à succès qui ne proclament que cela d’ailleurs, qu’il a du succès et qu’on l’aime.
Ce coming out sur 25 années d’écriture et de mensonge courageusement avoué, m’a fait réfléchir au phénomène de compensation dans nos vies, sur la prégnance des influences transgénéalogiques dans nos choix de carrière. Filiation, réparation, remontez à deux, trois, quatre générations ou plus si vous le pouvez de votre arbre généalogique, et vous comprendrez pourquoi vous faites le métier que vous faites.
Un exemple: universitaire de formation (littérature comparée franco-russe), je me retrouve après moult circonvolutions, à exercer le métier de coach et de psychanalyste/psychothérapeute. Tous mes clients savent que je ne suis pas médecin. Plusieurs d’entre eux lorsqu’ils me serrent la main à l’issue de leur séance tiennent à me donner du « Au revoir Docteur Lautrédou ». Et moi de répondre : « Je ne suis pas médecin ». Et eux de rétorquer : « Je sais, au revoir Docteur ».
Au-delà des aspects sketch de l’affaire, j’ai bien sûr établi un lien entre les professions de mes parents, respectivement médecin et dentiste, portant le même nom, exerçant en cabinet médical tous deux et dont les fins de séances se soldaient par un « Au revoir Docteur Lautrédou ». Clin d’oeil au modèle de profession libérale qui a imprégné mon enfance?
Supportables,voire saines quand elles nous inscrivent dans un rapport au travail ou au sens qui nous convient, les filiations s’avèrent dangereuses quand elles nous conduisent aux antipodes de nous-mêmes. Témoin l’Alexandre Jardin torturé qui, vingt cinq ans durant nous serine l’amour enchanté entre deux cauchemars sur La Shoah. Ce type de distorsion ou de grand écart se paie par une insatisfaction constante, un sentiment d’inaccompli qui donne à certains « successful people » cette mine déconfite, un peu comme s’ils avaient volé la carrière de quelqu’un d’autre. Exact. C’est la carrière du fantôme qu’ils mènent. Et pour masquer et surtout se masquer l’illusion, on a besoin de toujours plus: d’argent, de pouvoir de notoriété, de relations, de « plaisir ». Avec, au bout, la décomposition identitaire qui constitue pour moi tout l’intérêt du parcours d’Alexandre Jardin. Qu’écrire après cet aveu? Car une fois oubliée la carrière du fantôme, quelle est la nôtre?
« Stakhanov l’intox ? »
Résolutions 2011 pas mortes. Face à l’activisme ambiant, on appellera ça l’anxiété du début d’année, décortiquons le syndrome du faire, cette pression d’action qui nous empêche d’être tout à fait décontractés . Au fond et dans tous les sens du terme, on rencontre la source, le maître de tout activiste qui s’entretient : Alexseï Grigorievitch Stakhanov, ce mineur du Donbass qui, dans la nuit du 30 au 31 août 1935, réussit à extraire 102 tonnes de charbon en 6 heures, soit 14 fois son quota !
Utilisé par Staline et la propagande soviétique comme figure de proue du Travailleur de l’ordre nouveau, il défonça quelques temps les records pour la plus grande joie de la presse russe et internationale, dont Time Magazine qui en fit sa couverture. Célébrité logique : épaules larges, sourire éclatant, regard clair et pommettes hautes, le mineur avait tout d’une star de cinéma. Quelques reportages plus tard, le biceps vif certes, mais les neurones aussi, il se hâta de quitter la mine et l’ imagerie de l’ouvrier modèle pour une carrière de fonctionnaire, député du Soviet et membre d’un ministère- du charbon bien sûr. Son aura internationale résista plus tard aux révisions historiques suggérant qu’il aurait été assisté de deux collègues pour réaliser l’exploit. Et alors ? A trois mineurs, ils auraient quadruplé chacun les normes d’extraction officielles !
N’empêche, le record passe mieux ainsi. Un groupe de potes, stimulation, émulation, soutien amical, amoureux voire- who knows ? Les secrets du dépassement abondent, et on visualise bien les trois gaillards, une nuit d’Ukraine étoilée, s’enfonçant dans leur transe minière. Pour autant l’imagerie retiendra toujours le héros solitaire se battant contre l’adversité et surpassant les autres, sorte de croisement entre Goldorak et Maya l’abeille. Héroïque et compétitive, cette solitude convient à nos sociétés qui valorisent la puissance du faire individuel, qu’elle s’applique aux grandes écoles ou aux entreprises, définitivement non reconnues comme hauts lieux du zen.
Et pourtant… Le faire épuise. En flux et sans répit, on monte dans la fusée et c’est parti ! Burn out au bout, ou à plusieurs reprises tout au long du parcours, les ratés se multiplient. Car comme le promeuvent les techniques PNL ou la pensée positive, nous pouvons tout faire ou presque si nous mobilisons l’intention, l’attention et la concentration sur nos objectifs. « Le Secret » de Rhonda Byrne, une réflexion majeure sur ces techniques, en livre les aspects subtils. Or s’il est nous est vraiment possible de tout faire, à nous de faire preuve de discernement.
Je connais des individus qui, merci pensée positive, ont accompli le programme qu’il s’étaient fixé, et dans les échéances prévues. Mais à quel prix ? Car on peut réaliser un film, déménager, changer de job, d’associé, de pays, de couleur de cheveux et de partenaire amoureux en une année- liste non exhaustive que chacun remplira à sa façon. Pour quel état final ? Notre mental adore fixer des objectifs, poser des échéances et, pour peu que le processus s’enracine dans un pattern éducatif d’enfance- autrement appelé le « stimulus de la schlague »- l’adulte s’activera à remplir le programme. Ecrasé par le poids du tyran intérieur qui le fouette sans répit, même la nuit, il produira ses résultats pour mieux se fixer de nouveaux objectifs. Et trouvera normal que son employeur agisse de même avec lui.
Je n’ai rien contre les réalisations personnelles. Activiste de longue date, j’ai juste poussé le processus assez loin pour m’interroger sur le décalage entre notre mental et notre corps- par là j’englobe cœur, émotions, sentiments.
Le mental ne connaît pas les limites de la chair, le poids de notre humanité. Les lenteurs de la sensibilité, nos fluctuations d’humeur, nos cycles personnels, les émois affectifs ou familiaux rencontrés sur le chemin ne font pas partie de son programme. Seule la destination compte. Sans corps et de facto sans cœur, il nous force au-delà de notre humanité. Car si les projets évoqués plus hauts sont beaux pris un à un, rassemblés sur une année ils composent un brouet indigeste. Des profiteroles se dégustent mieux seules qu’ingurgitées entre une tarte tatin et un far breton. On peut s’empiffrer de réalisations comme de dessert. Avec le même écoeurement au bout.
Donc, quand votre tête part en avant et aligne les projets, je recommande de descendre dans votre ventre et d’écouter l’intuition. Est-ce que je me sens capable de mener ces actions à terme d’un seul coup ? Ne serait-il pas plus sage d’en différer une ou deux, histoire de voir ce que je ressens après avoir accompli la première ?
Nos ressentis, à la différence de nos pensées, ne se planifient pas. Imprévisibles, intenses, gênants ou carrément obsédants, ils ajoutent à nos destins le sel de la vie.
Or sans sel, on le sait, le goût se perd…
« 2011 ? Présente ! »
« Je me fais représenter par mon dossier » a un jour lancé un de mes collègues de la Commission Européenne avant de quitter la salle où s’éternisait une réunion poussive dont l’institution avait le secret. Deux heures après, il est venu rechercher son avatar, un tas de papiers sous chemise grise tranquillement installé devant sa chaise de « présence » auquel, la vérité historique nous forcera de constater que les travaux menés n’avaient rien ajouté.
Quelques semaines plus tard, le même quittait Bruxelles pour regagner son Etat-membre, merveille de l’appellation officielle qui dit tout des atavismes qui nous constituent, à savoir la Grèce, ses lumières, ses parfums, et si l’on en croit ses propos enflammés, une truculence d’échanges qui lui permettraient d’ETRE à nouveau. Tout simplement. Plus besoin de laisser un dossier pour feindre une présence. De se contraindre à perdre deux heures de sa vie, deux heures effacées, avalées, et qui ne reviendront jamais.
L’avantage du dossier, c’est qu’il avait moins de conscience, à défaut de présence. Moi qui, à l’inverse, avais fait acte de présence avant de m’abîmer à tous les sens du terme dans une absence usante lors de la réunion, j’ai commencé à réfléchir.
La représentation rassure. On fait ce qu’on attend de nous dans nos différents rôles sociaux de professionnel, citoyen, père ou mère, conjoint ou conjointe, voisin ou électeur/électrice etc…. En représentation ou en présence? Le ressenti nous le dit. Si l’on se contente de représentation, on s’ennuie.
A l’inverse, la présence nous rend vibrant, éveillé, un état qu’on apprécie et qu’on reconnaît quand il nous prête sa plénitude. Le début d’une nouvelle année nous en rend nostalgique, particulièrement quand les injonctions du faire en perturbent la sérénité:
« Alors dis-moi, c’est quoi tes bonnes résolutions cette année?
-Eh bien… comment te dire….. »
Que…. rien. Ni liste ni commandements héroïques, aucune piste d’amélioration en vue, pas de sentier balisé vers de nobles objectifs. J’ai décidé d’être. En vie, c’est mieux, et en joie c’est du bonus.
Le combat pouvant être rude, les armes restent à fourbir.
Règle numéro 1: Surveiller son environnement. Le théâtre s’organisant mieux à plusieurs, si l’on nous parle la langue des signes, on va adapter . Urgent de casser les codes. Sans forcément se faire représenter en réunion par son sac à main ou sa veste- la version strip du dossier évoqué plus haut à issue forcément misanthrope, je recommande de privilégier les individus qui ne sont pas dupes des masques et quand ils ne peuvent pas faire autrement, les portent sans s’identifier à eux.
Règle n°2: Le mois de janvier induit un comportement massivement névrotique qui conduit à balancer du « bonne année » et « tous mes vœux » à chaque être humain croisé alors qu’on ne portera d’ordinaire pas un centième de cette positive énergie à nos proches, les mal nommés. Consciente de l’injustice du traitement, j’adopte la posture du mutisme réactif. Un courtois « Vous aussi » me paraît la réponse adaptée à l’avalanche des bons vœux d’inconnus. Tolérer l’aberration pourquoi pas, ne pas l’engendrer, c’est mieux.
Règle n°3: Faire silence pour retrouver la présence à soi-même. Marcher, méditer, respirer…. Dans cette période de parole assidue où chacun raconte ses forcément belles fêtes&vacances avant de s’épancher en bons vœux et de s’engloutir en meeting kick off 2011 au bureau, se prévoir des réunions en tête à tête avec soi. Ces temps-là nous nourriront d’une saine présence à nous-même, ce qui nous évitera de paradoxalement la rechercher quand nous serons avec les autres, en l’occurrence de fuir dans l’absence.
Règle n°4: Plutôt que d’ajouter des résolutions souvent redondantes, reconnaissons-le, telles que « démarrer le sport, passer du temps avec sa famille, s’installer une hygiène de vie pérenne », nettoyons les résolutions de l’année d’avant. Vaste mission qui nous permettra d’identifier les re-éditions suspectes et de nous alléger la pression.
Vides de résolutions et présents à l’inconnu, nous SERONS.
Hello 2011!
« Chéri (e), je me sens rajeunir ! »
Notre rapport au temps m’évoque un escalator à l’issue trop certaine où s’entassent des comportements contrastés : ceux qui précipitent le mouvement en cumulant leur vitesse et celle de l’engin, ceux qui s’agrippent à la rampe et tanguent en arrière, ceux qui s’immobilisent et se laissent transporter. Quand je regarde nos emplois du temps, celui de mes amis, de mes clients, je constate une diversité de styles entre la course frénétique, la désespérance nerveuse –« je n’y arriverai jamais », la gestion ferme des priorités, la désinvolture résignée- « à chaque jour suffit sa peine » et, plus rare, la lenteur choisie et surtout tenue. Grande variété dans la façon de traiter le temps… Qui nous le rend bien !
Cabossés, alourdis, desséchés, parcheminés, racornis, boursouflés, usés, certains affichent, souvent bien malgré eux, leur physique comme un étendard d’années de lutte pour la vie.
A l’inverse, denses et intenses, approfondis, comme sculptés en leur style unique, d’autres semblent profiter des ans pour croître et s’épanouir. A quatre-vingts ans, voire plus ! Pas un hasard s’ils sont souvent des artistes et pas toujours dans les disciplines artistiques où on les attend . A leur façon ils créent et s’amusent, dans leur bulle, qui les protège de la dictature du temps.
Car si « ce qui est bien quand même, c’est qu’on vieillit tous en même temps », comme l’a un jour reconnu un de mes clients déprimé, grande différence dans la façon dont on accompagne le mouvement !
La temporalité aligne les heures de façon linéaire selon un découpage d’activités à caractère répétitif : temps de repas, de coucher, de travail, d’activités personnelles et sociales. Plus on remplit, plus le temps s’efface. Il file et disparaît sous la succession d’activités qui l’a englouti.
L’atemporalité, elle, suspend cette enfilade par la grâce de moments différents, d’instants hors temps. Ils ne surgissent pas forcément à la faveur des clichés publicitaires : le coucher de soleil de la lune de miel, l’instant de la demande en mariage qui l’a précédé, l’annonce de votre nomination au poste de directeur général ou de président de la république. Les instants hors temps ne se voient pas arriver. Humbles et discrets, ils métamorphosent pourtant l’espace, élargissent les minutes, démultiplient les secondes et rajeunissent les visages.
Dans mon activité de coach et psychanalyste, je les chéris, car ils allègent les heures d’écoute d’intensité inégale. Ils me réveillent. Afflux d’énergie, je VOIS enfin qui j’ai en face de moi. L’expression de mon interlocuteur vient de changer. Les traits se détendent, les joues s’animent, les yeux brillent. J’ai vu des quinquas fatigués se muer en jeunes fous, des femmes d’affaires évaporer d’une grâce facétieuse leur tailleur-pantalon. Epiphanies quotidiennes qui ne tiennent pas à la nature des sujets abordés, contrairement à ce que la vulgate d’affaires imagine. Les gens rajeunissent rarement à l’évocation de leurs chers enfants ou de leur hobby favori, surtout quand un professionnel en mission de relation trop souvent commerciale, en presse l’évocation. Ces caractéristiques, prévisibles et régulièrement affichées comme gage de normalité, s’énumèrent sans surprise ni vraie émotion.
En revanche, dans le même entretien, dans ce flot de mots échangés, soudain le regard s’allume. Il ou elle raconte comment il a contourné tel ou tel obstacle….mis en place l’impossible … retourné telle situation …vaincu tel ou tel opposant… surmonté tel drame… . Moments magiques où l’enfance pointe son nez : « On a été les meilleurs ! On les a eus ! La force était avec nous ! On a bien rigolé ! J’ai survécu ! »
Qui parle ? Pas ce quadragénaire stressé qui bataille les détails de son LBO avec le fonds d’investissement, pas cette musicienne qui aligne ses heures de gamme et autres exercices techniques, pas cette dirigeante ultra-occupée dont l’agenda du jour ne dégage pas de créneau disponible avant juin 2011. Non, j’ai face à moi un ludion. Un gamin irrespectueux, farceur, aux yeux qui pétillent et sautent avec chaque bulle de la vie. Il vit dans le présent. Il ne connait pas l’inquiétude du futur. Ill n’est pas alourdi par le rappel du passé. Il est là.
Quand on le reconnecte, via une grosse bouffée de respiration qui lâche le stress, un éclat de rire qui déchire la tension ou un bon mot, même et surtout limite, on rajeunit. Bien sûr, façon adulte, on peut aussi le rejoindre en méditant-pour-apprendre-à-se-connecter-à-son-présent.
Façon enfant, ça va plus vite. Suffit de lâcher- tensions, contraintes, obligations, pression, attentes et ambitions. Suffit de vivre. D’être.
« L’enfance est le tout d’une vie, car elle nous en donne la clef ». Ouvrez la porte !
Full Intention, les pouvoirs de l’esprit
L’intention, on la pratique avec désinvolture : « j’ai l’intention de ranger mon bureau… de faire mes papiers … de reprendre le sport … » . Nobles intentions formulées avec sincérité, mais qui conduisent, reconnaissons-le, à des résultats plus que mitigés. Normal, on utilise l’intention comme soutien à notre volonté, forcément défaillante, de traiter les corvées. On en fait une vague tentative, un « je vais peut-être essayer de » qui nous donne les moyens de ne pas réussir. On s’ épuise ainsi, d’injonctions lasses en velléités lourdes. On ignore surtout la puissance de l’intention, en particulier quand elle s’accompagne de son implacable complice, l’attention.
Un exemple : ce week-end, je découvre dans un ouvrage de Deepak Chopra l’expérience suivante que je vous recommande. Assise, le coude calé sur le bras d’un fauteuil, j’ai suspendu un poids à une chaine de pendentif pour simuler le pendule que je n’avais pas ( je suis coach, pas magnétiseuse), en l’occurrence le cadenas de casier de mon ex-club de sport. Le cadenas immobile au bout de la chaîne, je l’ai fixé des yeux et sur les conseils de l’excellent Deepak, je lui ai intimé en silence et seulement par la pensée, d’aller de droite à gauche. D’avant en arrière. De décrire des cercles dans le sens des aiguilles d’une montre. Réponse favorable à chaque demande. Sans que ma main ne bouge, le pendentif a effectué les mouvements que mon intention lui préconisait.
« Ton truc, ça fout un peu les boules» a commenté ma famille, mal à l’aise d’avoir constaté que ma main n’avait pas bougé. Personne n’a voulu reproduire l’expérience, inquiet à l’idée de rameuter quelque obscur esprit amateur de pendule.
A l’opposé, ces résultats m’ont enthousiasmée. Loin de faire appel à de sombres instances et autres entités paranormales, j’ai ressenti la puissance souveraine et trop souvent ignorée, hélas, de mon esprit. C’est donc si simple ? Il suffit de prêter attention à une pensée, idée, image, et de lui porter la force d’une intention pour qu’elle se mette en œuvre ? Oui. Dans la bonne comme la mauvaise direction.
Qui n’a ressenti un malaise devant un ou des interlocuteurs pourtant mutiques mais dont les pensées nous agressaient avec une silencieuse malveillance ? J’en suis arrivée à faire tomber la nourriture sur mes genoux tout le temps d’un déjeuner. Urbaine était la conversation, hostiles les intentions de mon vis-à-vis. Et tellement fortes qu’elles sont parvenues à me perturber sur un geste aussi coutumier que de porter une fourchette à la bouche. On mange mal face à l’ennemi. Je n’avais pas prêté attention au phénomène, donc ne pouvais que le subir.
Car le renforcement de notre capacité d’attention, le fait de ralentir pour remarquer qu’il se passe quelque chose – interférences dans la communication, mauvaises vibrations à l’origine d’un sentiment de gêne, de malaise lourdeur ou sensation d’être « plombé », nous donne paradoxalement les clefs de la résolution. Celle-ci passe par l’intention.
« J’ai l’intention de passer outre la négativité de cette assemblée», mieux « j’ai l’intention de retourner l’état d’esprit de ces personnes, d’en faire des alliés » : cette tournure d’esprit protège et corrige.
Il suffit de diriger une intention positive sur un adversaire, même agressif, pour que la virulence de sa charge s’adoucisse. D’assister par la pensée un partenaire débattant avec un public critique pour qu’il éprouve, presque physiquement (sensation de chaleur souvent) votre soutien effectif. Qu’on soit dans la salle ou pas. Essayez avec votre famille ou votre équipe. Envoyez des intentions encourageantes à votre enfant présentant un exposé dans sa classe, assistez de toutes vos forces mentales votre collaborateur qui se fait chahuter par le client en face de vous, donnez par la pensée la force à votre amoureux ou amoureuse de vous exprimer ce qui ne va pas et qui, de ce simple fait, ira mieux ensuite.
La pensée est la force de création première. L’intention et l’attention en sont les mamelles nourricières. Bon appétit !
« Savoir partir »
« Il faut savoir quitter la table lorsque l’amour est desservi » a jadis chanté Aznavour. Ritournelle déprimante, implacable, dans les deux sens du verbe « desservi » : amour absent, le sens disparaît ; amour maltraité, on se fait du mal à soi-même. Desservir notre amour pour une personne, un travail, un lieu, en ne lâchant pas quand il faut reste dangereux. Si tant est qu’on sache quand et comment partir.
Le Quand s’impose lorsque le réveil ne conduit qu’à la mécanique d’un rituel en pilotage automatique : se lever, se laver, s’habiller, s’alimenter, décamper sans un regard pour le lieu qui vous a abrité pendant la nuit. Quand l’arrivée sur le lieu de travail n’apporte ni élan ni curiosité, mais envie de repartir et de tout lâcher. Quand les retrouvailles avec le partenaire n’amènent ni émotion ni ressenti, mais désir de fuite et délit d’abandon J Qu’on coche une ou deux ou trois cases, dans tous les cas on survit en état d’anesthésie, sans échange, sans flux ni reflux d’énergie.
Dans cette torpeur d’absence, il suffit d’un moment charnière, le fameux tipping point cher à Malcom Gladwell, pour que tout s’emballe. Je me souviens d’avoir pris la décision de quitter la chasse de tête, métier alimentaire qui ne me convenait pas, le jour où en réponse à la proposition téléphonique d’un candidat non intéressé par le poste proposé mais désireux de me rencontrer, ou plutôt, de rencontrer le gros cabinet que je représentai, j’ai lâché « Me rencontrer ? Pourquoi, je n’ai aucun intérêt », ce à quoi mon interlocuteur a répondu « En ce cas, au revoir Madame » en me raccrochant au nez. A ce degré extrême du non-respect de moi-même, je n’avais plus le choix. Out. Mais pas n’importe comment.
Le Comment reste clef et les rituels qui l’accompagnent nous appartiennent. Certains passeront une soirée à veiller une bougie en remerciant le lieu avec qui ils ont partagé le temps d’un bail de location, d’autres organiseront une soirée spéciale avec les amis d’une aventure professionnelle. Spéciale, la soirée, pas le pot usé d’une fin de parcours attendue. Soyez créatifs ! Les occasions de rythmer son histoire de vie ne sont pas infinies. On paye toujours un mauvais départ. Le lieu, la relation ou le travail abandonnés vous poursuivent, comme un remords ou une tristesse. Déserteur ou lâcheur, on a déguerpi. Victime non consciente, on vous a évacué.
Je n’ai pu dire adieu à ma maison d’enfance, liquidée lors du divorce de mes parents alors que j’étais étudiante à Paris. Pas de dernier regard, papiers et livre jetés, meubles vendus, sentiment d’une tranche de vie arrachée. Je l’ai recollée dix ans plus tard à la faveur d’un acte psycho-magique à la Alejandro Jodorowski, pratique que je vous encourage à adopter pour honorer vos propres césures personnelles. Fermez les yeux, centrez-vous sur l’expérience à laquelle votre départ va mettre fin, écoutez les mots qui viendront, les images intérieures qui vous dicteront le rituel approprié, le ressenti d’apaisement qui vous en confirmera la justesse. Vous aurez clôt un chapitre de votre vie.
Cette métaphore littéraire s’est imposée à moi lorsque j’ai pris la décision, via l’écriture d’un roman, Cap Horn Elle, qui sort aujourd’hui, de dire adieu à une maison qui a beaucoup compté pour moi. Je l’ai aimée. Elle m’a aidée. Le lien n’était pas vraiment rompu. J’ai écrit le livre. Et grâce à lui, je suis enfin partie.
« The beat is on- se brancher sur la bonne fréquence »
Yes, Martin Solveig, oui à l’évidence de ce tempo intérieur qui scande autant votre lecture maintenant que vos interactions avec votre environnement : humain, physique, géographique. Pour ce dernier post consacré au thème des lieux, je vous propose de réfléchir au phasage de vibrations, cet ajustement subtil qui permet d’entrer en communication. Cela marche avec les gens aussi.
De la même façon qu’on ne branche pas un appareil 220 volt sur du 110 volt sans le faire sauter, ou qu’un ancien night club ne rejoindra pas la chaîne des relais du silence ou encore qu’une prison ne se reconvertira pas en crèche, les lieux possèdent leur fréquence propre. Une vibration unique, immuable, comme le pouls de l’endroit.
The beat is on…. Vous sentez d’emblée si le lieu vous correspond par votre réponse instinctive: détente, bien-être, besoin de rejoindre ce tempo ami. On veut y retourner. C’est pareil avec les gens. Les amoureux synchronisent leur rythme cardiaque quand ils se retrouvent. Les amis ajustent leur vibration respective pour le maximum de connivence. L’énergie de l’échange s’accroît d’autant, on ressort du partage regonflé, quelles que soient les circonstances. Fini la solitude, on vibre en phase.
L’inverse reste tout aussi spectaculaire. Divergence de phase entre les êtres signifie épuisement, impression laborieuse et sans doute réciproque d’aller tracter très loin la personne. On tâtonne à rechercher une fréquence qu’on ne trouvera pas. Je connais des psy, coach et autres professionnels en situation d’écoute qui ont frôlé ou, pire J vécu l’endormissement en séance, vous savez, cet irrépressible effondrement du menton qui vous saisissait régulièrement en plein cours de chimie le jeudi matin au collège….
La distorsion avec les lieux peut conduire au même résultat. Qui n’a connu un week-end de torpeur dans une soporifique et néanmoins amicale maison de campagne où l’on sent l’inexorable déclin de son énergie, indépendamment des gros repas et des longues nuits ? A l’inverse, j’ai le souvenir d’une nuit blanche à transpirer d’angoisse, seule dans un appartement de la riviera cannoise, ancien domicile de la pègre PACA ( ce que j’ai découvert le lendemain matin à travers le récit de mes amis, enfin rentrés). Ou encore d’un été trop sage passé dans un ancien couvent corse perdu dans les montagnes, un lieu majesteux dont l’austérité a visiblement contaminé l’insouciance des vacances. Tout se passe comme si la vibration du lieu heurte quand elle entre en dissonance avec la nôtre. Trop rapide, on s’énerve, on s’angoisse. Trop lente, on s’affaiblit, on s’endort.
Notre Chi ( principe d’énergie vitale au cœur de l’être, comme son souffle vital), n’est pas en phase avec le Chi du lieu. Notre trame individuelle comme l’appellent les alchimistes ne s’aligne pas sur la trame de l’univers. On s’épuise.
Alors qu’à l’inverse, l’harmonisation des fréquences libère une énergie fantastique. Bienvenue aux lieux inspirants,qui favorisent les éveils toniques et enthousiastes, tant la vibration du lieu amplifie la nôtre et circule librement à travers nous.
On devrait toujours passer la nuit dans un lieu qu’on va acheter ou louer. Ou, à défaut, tant le concept de la nuitée d’essai ne trouvera pas forcément grâce auprès des professionnels de la transaction immobilière, aller roder la nuit près de l’endroit convoité. Les vibrations se mesurent mieux le soir, quand l’agitation de la journée retombe. Ecoutez votre cœur battre, soyez à l’écoute de vos ressentis, des émotions qui vous viennent et vous saurez si, au sens littéral du terme, ce lieu et vous avez intérêt à vous fréquenter.