« 2011 ? Présente ! »
« Je me fais représenter par mon dossier » a un jour lancé un de mes collègues de la Commission Européenne avant de quitter la salle où s’éternisait une réunion poussive dont l’institution avait le secret. Deux heures après, il est venu rechercher son avatar, un tas de papiers sous chemise grise tranquillement installé devant sa chaise de « présence » auquel, la vérité historique nous forcera de constater que les travaux menés n’avaient rien ajouté.
Quelques semaines plus tard, le même quittait Bruxelles pour regagner son Etat-membre, merveille de l’appellation officielle qui dit tout des atavismes qui nous constituent, à savoir la Grèce, ses lumières, ses parfums, et si l’on en croit ses propos enflammés, une truculence d’échanges qui lui permettraient d’ETRE à nouveau. Tout simplement. Plus besoin de laisser un dossier pour feindre une présence. De se contraindre à perdre deux heures de sa vie, deux heures effacées, avalées, et qui ne reviendront jamais.
L’avantage du dossier, c’est qu’il avait moins de conscience, à défaut de présence. Moi qui, à l’inverse, avais fait acte de présence avant de m’abîmer à tous les sens du terme dans une absence usante lors de la réunion, j’ai commencé à réfléchir.
La représentation rassure. On fait ce qu’on attend de nous dans nos différents rôles sociaux de professionnel, citoyen, père ou mère, conjoint ou conjointe, voisin ou électeur/électrice etc…. En représentation ou en présence? Le ressenti nous le dit. Si l’on se contente de représentation, on s’ennuie.
A l’inverse, la présence nous rend vibrant, éveillé, un état qu’on apprécie et qu’on reconnaît quand il nous prête sa plénitude. Le début d’une nouvelle année nous en rend nostalgique, particulièrement quand les injonctions du faire en perturbent la sérénité:
« Alors dis-moi, c’est quoi tes bonnes résolutions cette année?
-Eh bien… comment te dire….. »
Que…. rien. Ni liste ni commandements héroïques, aucune piste d’amélioration en vue, pas de sentier balisé vers de nobles objectifs. J’ai décidé d’être. En vie, c’est mieux, et en joie c’est du bonus.
Le combat pouvant être rude, les armes restent à fourbir.
Règle numéro 1: Surveiller son environnement. Le théâtre s’organisant mieux à plusieurs, si l’on nous parle la langue des signes, on va adapter . Urgent de casser les codes. Sans forcément se faire représenter en réunion par son sac à main ou sa veste- la version strip du dossier évoqué plus haut à issue forcément misanthrope, je recommande de privilégier les individus qui ne sont pas dupes des masques et quand ils ne peuvent pas faire autrement, les portent sans s’identifier à eux.
Règle n°2: Le mois de janvier induit un comportement massivement névrotique qui conduit à balancer du « bonne année » et « tous mes vœux » à chaque être humain croisé alors qu’on ne portera d’ordinaire pas un centième de cette positive énergie à nos proches, les mal nommés. Consciente de l’injustice du traitement, j’adopte la posture du mutisme réactif. Un courtois « Vous aussi » me paraît la réponse adaptée à l’avalanche des bons vœux d’inconnus. Tolérer l’aberration pourquoi pas, ne pas l’engendrer, c’est mieux.
Règle n°3: Faire silence pour retrouver la présence à soi-même. Marcher, méditer, respirer…. Dans cette période de parole assidue où chacun raconte ses forcément belles fêtes&vacances avant de s’épancher en bons vœux et de s’engloutir en meeting kick off 2011 au bureau, se prévoir des réunions en tête à tête avec soi. Ces temps-là nous nourriront d’une saine présence à nous-même, ce qui nous évitera de paradoxalement la rechercher quand nous serons avec les autres, en l’occurrence de fuir dans l’absence.
Règle n°4: Plutôt que d’ajouter des résolutions souvent redondantes, reconnaissons-le, telles que « démarrer le sport, passer du temps avec sa famille, s’installer une hygiène de vie pérenne », nettoyons les résolutions de l’année d’avant. Vaste mission qui nous permettra d’identifier les re-éditions suspectes et de nous alléger la pression.
Vides de résolutions et présents à l’inconnu, nous SERONS.
Hello 2011!