« Nos maisons nous choisissent »
Nous entretenons d’ordinaire un rapport désinvolte avec les lieux. Qui n’a, au détour d’un trajet automobile, jeté son dévolu sur telle ou telle maison, oubliée quelques kilomètres plus loin dès l’extinction de l’élan initial? Je connais des gens qui sont virtuellement propriétaires de centaines d’endroits, croisés au hasard des vacances et autres week-ends.
Puis, pour les privilégiés d’entre nous, vient le jour de l’achat : appartement, maison, pavillon, résidence secondaire. La raison nous poussant à investir dans la pierre-placement-sûr, nous agissons. En conscience, croyons-nous.
J‘ai toujours pensé que la logique de ces investissements provenait d’ailleurs, d’une histoire consciente ou inconsciente déjà écrite au moment de l’achat. Du conte de fée d’un père m’offrant, enfant, la plus belle chambre d’un manoir breton, quadriphonie de concerto marin sous mes fenêtres, à la vérité anticipée d’un appartement bruxellois mis en vente pour cause de divorce et annonçant celui du couple des nouveaux propriétaires un an plus tard…
Nous ne choisissons pas nos lieux, même s’ils s’avèrent être, en bonne comptabilité immobilière, de judicieux placements. Ce sont eux qui nous élisent pour le projet qu’ils nous destinent. Projet généralement bienveillant, qu’il s’agisse de souder des tribus, de renouveler des relations de couple, d’inspirer une famille à venir, d’apaiser les tensions de ces drôles de foyers recomposés.
Là s’expriment les bons lieux, ceux qui rayonnent joie et accueil, ceux qui démultiplient la vie. Mais les « mauvais lieux »- car l’appréciation reste ambigue, nous y viendrons dans la prochaine chronique- tiennent aussi à leur projet. Ils l’annoncent d’emblée, d’ailleurs, pour qui sait percevoir.
Aussi , prospect immobilier,soyez attentif au premier contact, quand la porte s’ouvre. L’odeur de l’entrée, la qualité de la lumière dans les pièces, les
craquements du parquet ou d’un placard qui s’ouvre.Tout parle. Le lieu délivre son message. D’emblée.
Plutôt que de vous fier à vos imaginations, parfois trompeuses, je vous recommanderai d’écouter votre corps. D’entendre ce que lui, outil privilégié de l’inconscient, perçoit. Le mental ne comprend rien, occupé qu’il est à écouter l’argumentaire de l’agent immobilier. Demandez-vous donc comment vous vous sentez. Légers, apaisés, réconfortés?
Ou au contraire, tendus, agacés, mal à l’aise?
Dans un cas, vous êtes en phase. Dans l’autre, la rencontre ne se fait pas, quand bien même le lieu vous veut. Tant pis pour lui. Après tout, on reste toujours libre de choisir à qui l’on appartient:)
A jeudi !